Jimmy était très heureux confortablement installé dans le traîneau de Wallace.
Le vent glacé lui fouettait le visage. Ses joues étaient rougies par le froid.La neige tombait maintenant en abondance. Quelques oiseaux traversaient courageusement le ciel à la recherche de nourriture que la main providentielle de l’homme aurait déposée sur le rebord d’une fenêtre ou d’un balcon.
L’attelage, habilement dirigé par Wallace, laissa derrière lui, le hameau de Cholière dont les petites chaumières semblaient disparaître sous l’épaisse couche de neige.
Le traîneau glissait à vive allure sur le beau manteau blanc.
Attirés par l’aventure et grisés par la beauté majestueuse de ce paysage qui défilait devant leurs yeux émerveillés, Wallace et Jimmy oubliaient que cette épaisse couche de neige pouvait être très dangereuse. Wallace en était quand même un peu conscient. Il persista cependant dans son intention de se diriger vers les Prioux et continua à lancer ses chiens sur le chemin dissimulé, en partie, par la neige qui continuait à tomber.
Les Huskies sont des chiens robustes et très courageux. Ils obéissaient, sans broncher, aux ordres de leur maître adoré. Ils ressentaient bien sur leur âme de fidèles et aimants compagnons, la frénésie qui s’emparait de l’esprit aventureux de leur maître et de son petit passager. Ils continuaient donc, tête baissée, à poursuivre leur difficile et dangereuse ascension vers ce village coupé du monde l’hiver. Leur instinct leur disait bien que ce voyage était risqué. La haut, le manteau neigeux est tellement instable et si propice aux avalanches.
Pourtant, happé et enivré par l’aventure qui envahissait son esprit, Wallace continuait à diriger son attelage en direction du hameau des Prioux. Réputé inaccessible l’hiver, ce hameau si joli est très visité et prisé par les promeneurs de toutes sortes durant l’été. Wallace y avait même aperçu, une fois, une ribambelle d’artistes, pinceaux à la main, qui couvraient des bouts de toiles de couleurs plus lumineuses les unes que les autres…
Jimmy et Wallace avaient un objectif. D’un commun accord, et conscients des risques qu’ils prenaient, ils avaient décidé d’aller passer la nuit, avec leurs chiens, dans un abri qu’ils construiraient de leurs mains. Cet abri serait un igloo. Peut être moins luxueux, c’est certain, que ceux qui reçoivent les vacanciers en hiver à Pralognan, mais suffisamment confortable pour les loger tous les deux pendant cette nuit de Noël. Ils seraient ainsi protégés du vent, du froid glacial et de la neige qui tombait en gros flocons de plus en plus épais. Ils avaient pris soin d’emporter, avec eux, le matériel nécessaire à cette construction ainsi que d’épaisses couvertures bien chaudes, un Thermos de chocolat sucré, des biscuits, et des friandises pour les Huskies. Sans oublier un fagot de bois bien sec et une boîte d’allumettes.
Le coeur des deux hommes battait à tout rompre dans leur poitrine.
Plus qu’un ou deux virages encore et le village, tant désiré, sortirait du rideau de neige et de brume givrée qui emmitouflait l’horizon.
En cette nuit de Noël, les deux amis, espéraient bien apercevoir, à la nuit tombée, quelques vols de chouettes intrépides, s’élançant à la poursuite d’une proie invisible à l’oeil humain.
Et aussi, pourquoi pas, un troupeau de bouquetins, descendus de la cime des montagnes, pour venir marauder, là un brin de mousse, ici une écorce, que la neige n’aurait pas complètement recouverts. Et pourquoi pas un renard furetant près des bergeries ou des poulaillers. Un loup peut être aussi ?
Bientôt, Wallace et Jimmy, allaient atteindre leur but.
Plus que quelques mètres à parcourir.
La nuit commençait à noircir le ciel. Le froid redoublait d’intensité.
Jimmy se demandait si la lettre qu’il avait glissée dans la boîte, au village de La Croix, avait été remise à son destinataire mystérieux… et si ce qu’il avait formulé, comme souhait, serait réalisé. Jimmy, petit blondinet aux yeux bleus, avait un coeur grand et généreux. Pas égoïste pour deux sous ! Et ce qu’il avait demandé, dans cette missive, était vraiment généreux.
Soudain, les deux passagers distinguèrent des volutes de fumée qui s’échappaient des cheminées des bergeries des Prioux.
Enfin, ils arrivaient à destination. Sains et saufs, tous, animaux bien aimés et humains.
Wallace et Jimmy libèrent les chiens de leurs attaches. Ceux ci entamèrent une danse de la joie autour d’eux, bondissant et réchauffant les joues rougies par le froid de Jimmy et de Wallace, en leur donnant de grands coups avec leur langue bien chaude.
Les deux amis les flattèrent avec tendresse et les remercièrent en leur distribuant des friandises.
Wallace envisagea un coin, un peu à l’abri, à l’orée d’une forêt qui surplombait légèrement les rives du torrent. Ce sera ici, se dit-il tout bas, le coin idéal, pour construire notre igloo.
Aussitôt dit, il saisit ses outils, et, aidé par l’intrépide Jimmy, se mit à l’ouvrage.
Le temps pressait. La nuit tombait.
Les deux amis ne voulaient rien rater de ce qu’ils espéraient voir en cette belle nuit de Noël. Tous les animaux qu’ils voulaient apercevoir ou bien observer. C’est bien pour cette raison qu’ils avaient pris tous ces risques, avec leurs chiens, pour monter aux Prioux! Wallace et Jimmy voulaient voir le comportement des animaux pendant la nuit de Noël ! Tous deux avaient gardé miraculeusement intactes leurs âmes et leurs rêves d’enfants. Les animaux célèbrent-ils Noël à leur manière, se demandaient-ils secrètement ?
Et le Père Noël, va-t-il surgir tout là-haut dans le ciel, transperçant les nuages de neige à bord de son traîneau ?
Gismonde .